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Intervention au nom de S.E. M. Jean Asselborn

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Forum à l’occasion du 70ème anniversaire de l’ONU et de l’UNESCO :
« Bilan et perspectives: vers un nouvel ordre mondial ? »

Campus Limpertsberg, Université du Luxembourg, 29 octobre 2015

Intervention au nom de S.E. M. Jean Asselborn
Ministre des Affaires étrangères et européennes du Luxembourg

Chers organisateurs,
Mesdames et Messieurs,

L’ONU a été créée après le pire conflit que l’humanité ait connu : la Seconde Guerre mondiale. Son second Secrétaire général, le suédois Dag Hammarskjöld, a décrit l’objectif de l’organisation de cette manière : « Les Nations Unies n’ont pas été créées pour conduire l’humanité au paradis, mais pour la sauver de l’enfer. »

En effet, le 25 avril 1945, l’humanité réunie à San Francisco pour y préparer la Charte des Nations Unies, avait bien connu l’enfer, des épidémies, de la pauvreté et de la faim jusqu’aux camps de la mort de la Shoah. Les Nations Unies sont un projet de paix, né de ces décombres de la Seconde Guerre mondiale, porté par la volonté des peuples de « préserver les générations futures du fléau de la guerre », pour citer la Charte.

Les Organes principaux des Nations Unies, l’Assemblée générale, le Conseil de sécurité, le Conseil économique et social, le Conseil de Tutelle, la Cour internationale de Justice et le Secrétariat, ont été mises en place pour affronter les défis du monde de l’époque : la coopération internationale, la guerre, le sous-développement, la décolonisation, l’imposition d’un ordre international basé sur le droit et les valeurs, plutôt que sur le pouvoir et la force. Les principaux trois piliers des Nations Unies, à savoir la Paix et la sécurité internationales, les Droits de l’Homme et l’état de droit, ainsi que le Développement durable, restent les priorités les plus importantes du monde actuel.

L’ONU est un système complexe. A commencer par l’Assemblée générale, où 193 Etats membres siègent, tous avec une voix, et qui incarne le principe de l’égalité souveraine.

Le Conseil de sécurité ensuite, où quinze Etats-membres portent la lourde responsabilité de veiller à la préservation de la paix et de la sécurité internationales. Le Conseil de sécurité a cinq membres permanents, les Etats-Unis, la Chine, la Russie, la France et le Royaume-Uni, qui ont un droit de véto sur toutes les décisions et dix membres élus, qui y siègent pendant deux ans. Le Luxembourg, rappelons-le, a été membre non-permanent du Conseil une seule fois jusqu’ici en 2013 et 2014.

L’administration de l’ONU est chapeautée par le Secrétaire général Ban Ki-Moon, qui est à la tête d’un Secrétariat d’environ 50.000 fonctionnaires internationaux qui travaillent à New York, à Genève, à Vienne, à Addis Abeba, à Bangkok, à Beyrouth, à Nairobi et à Santiago, dans des Départements comme celui des Affaires politiques ou des Opérations de maintien de la paix, de l’Information publique, des Affaires économiques et sociales, ou encore dans des Commissions économiques régionales.

Surtout et avant tout, les Nations Unies sont déployées à travers le monde, avec des Opérations de maintien de la paix qui emploient actuellement 106.245 personnels en uniforme et 16.791 personnels civils, comme par exemple la MONUSCO en République démocratique du Congo, ou avec des Missions politiques spéciales, comme la Mission d’assistance de l’ONU en Irak. L’ONU entretient partout dans le monde des activités pour la Coopération au développement, à travers ses nombreuses Agences, Fonds et Programmes, comme le Programme des Nations Unies pour le Développement ou l’Unicef.

Et n’oublions pas les activités des nombreux acteurs de l’action humanitaire de l’ONU, du Haut-Commissariat pour les Réfugiés, du Programme alimentaire mondial ou du Bureau pour la Coordination pour l’aide humanitaire, UN OCHA.

Le Système des Nations Unies, son système de coopération au développement, la justice internationale, essaient de répondre aux défis d’un monde en mutation permanente, où le principal mot d’ordre est la complexité et l’incertitude. Ce système onusien peut parfois donner l’impression qu’il ne fonctionne pas très bien.

Le Conseil de sécurité qui est incapable de forcer les belligérants en Syrie de faire la paix.

L’Assemblée générale qui semble se perdre dans de longues délibérations sans impact apparent sur le bon fonctionnement des relations internationales.

Le Conseil des Droits de l’Homme qui condamne un pays – peut-être à juste titre – pour des violations des droits de l’homme, alors qu’il semble ignorer des violations bien plus graves par des régimes autoritaires.

Les Etats membres de la Convention-cadre des Nations Unies sur le Changement climatique, qui ne sont jusqu’ici pas arrivés à négocier un accord suffisamment ambitieux pour prévenir les impacts néfastes du changement climatique.

Les Agences de l’action humanitaires enfin, qui semblent incapables de subvenir aux besoins toujours croissants des populations en détresse, qui souffrent de faim, de maladies évitables ou des impacts destructeurs d’un conflit.

Ce bilan à première vue peu satisfaisant peut assez facilement susciter un profond malaise, mais constater simplement que l’ONU ne fonctionne pas serait à mon avis une grave erreur de jugement.

Il est vrai que notre attention est constamment détournée par l’émergence continue de nouvelles catastrophes, tremblements de terre, épidémies, attentats, accidents, de manière à nous rendre incapables d’affronter les défis structurels qui menacent l’humanité : le changement climatique, l’inégalité sociale et la pauvreté, le travail inachevé en matière de démocratisation et de droits de l’homme, les conflits ethniques et identitaires, qui peuvent mener à une radicalisation et un extrémisme violent.

Je suis néanmoins convaincu que les Nations Unies restent la meilleure enceinte pour trouver des solutions communes à tous ces défis et pour surveiller et anticiper les grandes tendances du 21ème siècle, comme l’évolution de la démographie des différentes régions concernées, l’impact du changement climatique sur l’habitat humain et l’environnement naturel, la concentration des populations dans les centres urbains, la propagation rapide des technologies d’information et de communication – en court, le cyberespace – et l’émergence de modes de production et de consommation plus durables.

Le monde n’arrête pas de changer et les Nations Unies évoluent pour en tenir compte. De nouvelles enceintes de dialogue et entités de l’ONU sont créées pour répondre à ces besoins.

Ainsi, la mise en place de la Commission de consolidation de la paix en 2005 traduit la réalisation que la communauté internationale était jusque-là mal outillée pour prévenir la rechute d’un pays dans une situation de conflit ou de violence massive.

L’introduction en même temps du concept de la Responsabilité de protéger signale que le cadre normatif pour la mise en œuvre de la Charte des Nations Unies continue d’être développé.

La création du Conseil des Droits de l’Homme à Genève, en remplacement de l’ancienne Commission des Droits de l’Homme en 2006 a permis d’élever la promotion et la protection des droits de l’homme à un niveau plus politique qu’avant.

Actuellement, l’Ambassadeur Sylvie Lucas, qui représente le Luxembourg auprès de l’ONU à New York a été nommée Présidente des négociations intergouvernementales sur la réforme du Conseil de sécurité des Nations Unies : c’est une tâche complexe, qui doit viser à faire converger les Etats membres vers un accord sur un Conseil plus représentatif, plus transparent et plus ouvert, capable de relever les défis de paix et de sécurité internationale du 21ème siècle.

Le dernier développement que je voudrais mentionner est l’adoption, en septembre dernier, d’un ambitieux Programme pour le développement durable à l’horizon 2030. Ce Programme illustre que les Nations Unies restent capables de façonner le monde : 17 objectifs à portée universelle, pour un développement socio-économique durable et inclusif, qui visent à éliminer la pauvreté et les conflits et à créer des sociétés humaines paisibles et égalitaire, où personne n’est laissé pour compte. C’est un développement important, qui aurait été impensable dans le monde de 1945.

Mesdames et Messieurs, Chers amis,

Nous avons tous le choix dans quel Monde nous souhaitons vivre : un avenir où les puissants imposent leur loi, notamment par la force, ou un avenir gouverné par des règles équitables et des valeurs de démocratie et d’humanité. Au cours de ses 70 années d’existence, et conformément aux buts et objectifs qu’elle poursuit, l’ONU a contribué à maintenir la paix et la sécurité internationales et à promouvoir les droits humains, le développement et le progrès social. Au vu des crises qui agitent le monde aujourd’hui, il est essentiel que l’ONU continue à défendre les valeurs qui ont inspiré sa création. 
   
Le 70ème anniversaire des Nations Unies que nous marquons ce soir est plus qu’un moment symbolique. Il doit nous inspirer, nous donner un nouvel élan pour parfaire l’Organisation, afin qu’elle corresponde aux idéaux tracés en 1945 : des idéaux qui gardent toute leur pertinence, aujourd’hui et demain.

Je vous remercie.

 

La table ronde du Forum sur le 70e anniversaire des Nations Unies était consacrée au thème ‘Bilan et perspectives: vers un nouvel ordre mondial ?’ et comportait aussi un débat avec les participants. Celle-ci était animée par les représentants suivants: M. Raymond Weber, ancien fonctionnaire international auprès de l’UNESCO et modérateur du Forum; M. Léo Faber, secrétaire général adjoint du Ministère des Affaires étrangères et européennes; Mme Rebecca Okine, présidente du International Relations Club (IRC) des étudiants de l’Université du Luxembourg; M. Boris Wagner, président du comité des élèves de l’Athénée du Luxembourg; M. Jean-Paul Lehners, titulaire de la Chaire UNESCO en droits de l’homme à l’Université du Luxembourg; M. André Rollinger, président de l’ALNU.

 

Accéder à la suite: Vidéo de la table ronde: